Spécial Colombie – Laurent Fiocconi


28.10.09 - Guillaume - 716lavie
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Laurent Fiocconi – Le Colombien – La Manufacture des livres – 2009
J’ai un intérêt particulier pour la Corse et pour la Colombie (cf. mon dossier Colombie), aussi lorsque j’appris que Laurent Fiocconi, un ancien de la French Connection 2ème époque avait publié sa biographie intitulée “Le Colombien” dans laquelle il relate ses années passées en Colombie, j’ai eu envie de savoir quels souvenirs il gardait de tout ça.




En 2 mots, Laurent Fiocconi a pris part avec son ami Jean-Claude Kella à la French Connection en affrétant de l’héroïne vers New York, puis a été emprisonné aux Etats Unis d’où il s’est échappé avant d’entamer une cavale colombienne et sud-américaine haute en couleur au cours de laquelle il deviendra un chimiste de coke reconnu et fréquentera les cartels de la coke. Marié à une colombienne rencontrée le lendemain de son arrivée en Colombie, il vit désormais avec elle en Corse dans son village de Pietralba.
Le livre a été écrit en collaboration avec Jérôme Pierrat, l’un des spécialistes actuels du banditisme. Il a aussi aidé Michel Ardouin à écrire sa bio et il tient un blog “Dernières nouvelles du milieu“. Signalons également qu’il a créé avec l’éditeur Pierre Fourniaud une maison d’édition dévolue à la littérature criminelle “La Manufacture des livres“.
J’avais lu les différentes interviews de Laurent Fiocconi parues dans la presse cette dernière semaine mais j’avais toujours été déçu que les journalistes ne le questionnent pas plus sur son parcours colombien.

1) Quel est votre coin préféré de Colombie ?
Oh ben toute la Colombie est belle mais le coin le plus beau où j’ai vécu c’est dans la jungle.

A Caruru ? (sud-est de la Colombie en pleine Amazonie, dans le département du Vaupès )
Oui, là où était captive Betancourt, c’est au même endroit.

Justement à Caruru en pleine Amazonie, il n’y avait pas de Farc à l’époque ?
Non ils commençaient à faire venir les armes, à prendre position mais c’était juste le début. J’ai toujours été bien avec la guérilla, je n’ai jamais eu aucun problème.

2) Vous dites être devenu fan de musique mexicaine « ranchero », avez-vous des groupes à recommander ?
Ma chanson préférée que ma femme me mettait souvent, c’était El Rey, une très belle chanson. J’adore les mariages et quand j’étais en Colombie on faisait toujours la fête en musique pour les anniversaires et les mariages . Le Rey, c’est la chanson de ma grande époque.

3) Lors des fêtes que vous évoquez en Colombie dans les années 80, quelle était la musique ? Y avait-il parfois des artistes qui venaient jouer en live dans ces fêtes-là ?
Il y avait de la salsa, du vallenato, de la cumbia. Des fois on faisait venir des orchestres, des chanteurs, il y avait l’argent pour ça.

4) Comment voyez-vous l’évolution actuelle de la Colombie avec notamment la présidence d’Uribe et la question du référendum sur sa possible 3ème élection ?
Ben comme je ne suis plus là-bas, je ne sais pas si Uribe va pouvoir apporter la paix, ce serait bien que ce pays soit en paix car il est magnifique, les gens sont supers, le Colombien est un homme très hospitalier.

5) Et la politique actuelle d’Uribe qui a consisté à mettre la pression sur la guérilla et ensuite sur les paras?
Je ne suis plus tellement au courant de ces guerres-là, je ne peux pas me prononcer, je sais pas, il faudrait qu’ils discutent, qu’il y ait un dialogue entre toutes les parties pour ramener la paix en Colombie, la Colombie avec la paix ce serait un pays formidable. Elle a énormément de richesse humaines et naturelles, faut à tout prix trouver un président qui dialogue et qui réussisse à faire la paix car je pense que c’est possible en y mettant de l’envie. Il y a beaucoup de gens qui souffrent, il y a toujours la faim et trop de différences entre les classes, la classe basse souffre énormément, il va falloir trouver un système pour revenir dans un pays calme.

6) Que pensez-vous de l’avis selon lequel tant qu’il y aura l’argent de la coke qui permet aux groupes de s’armer, ce sera dur d’amener la paix?
Ben non parce qu’en définitive tout le monde en bénéficie, le gouvernement en bénéficie car il a des sous des Etats-Unis, il s’arme, ils s’en mettent un peu dans la poche. La coke ? Heureusement qu’il y a la coke car sinon la Colombie ne serait pas ce qu’elle est actuellement, moi j’ai connu la Colombie quand elle était vraiment pauvre, il n’y avait pas d’usines, pas d’immeubles. Barranquilla et la côte Atlantique se sont levées après l’abondance de la marijuana. Après Medellin et tout ça, vous avez des immeubles magnifiques, ça provient de la coke. Si la coke n’avait pas été là pour l’aider à se relever, elle ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui. Maintenant qu’il y ait la guerre pour la coke, je dirais qu’il y a plutôt la guerre pour les problèmes politiques qu’il y a là-bas mais ils ont toujours été en guerre. Il y a eu la guerre entre les conservateurs et les libéraux à l’époque de la Violencia puis ils ont fait une paix mais une paix à moitié, beaucoup ont pris la montagne. Car franchement les Colombiens ne sont pas égaux en tout, y en a qui vivent super bien et d’autres qui meurent de faim. Tant qu’il y aura la famine, une misère, il y aura des problèmes… Je ne pense pas que ce soit à cause de la coke, au contraire, il y a beaucoup de gens qui travaillent et qui gagnent des sous grâce à ça et avec ces sous là ils construisent la Colombie d’aujourd’hui.

7) Que pensez-vous du revival de la coke en France ces dernières années?
Oui mais je suis pas très au courant de ça, je sais qu’il y en a beaucoup qui en prennent et malheureusement c’est même pas de la coke qu’ils prennent, c’est un mélange qui leur fait plutôt du mal, si elle était exempte de saletés ca ferait beaucoup moins de mal maintenant c’est le problème du gouvernement d’arranger ce problème. La coke bien sûr ça fait du mal, comme l’alcool, si on va par là il faudrait interdire aussi l’alcool, il y a beaucoup de trucs autorisés qui font beaucoup plus mal que la coke. Dans le temps, j’ai pris de la coke en Colombie, je pense qu’il y a beaucoup de français qui en prennent aussi mais ils sont hypocrites, ils ne l’annoncent pas. La coke ce n’est pas pour prendre tous les jours c’est lorsque vous êtes en fête, quand vous sentez que l’alcool vous monte à la tête, vous prenez un peu de coke ça vous redescend normal, ou quand vous êtes avec votre copine, des trucs comme ça… Moi je n’en ai pas pris en abondance mais j’ai pris de la bonne coke. Aujourd’hui j’ai 68 ans, je me sens bien et je pense que l’alcool m’aurait detruit plus que la coke.

8) Vous dites avoir été accro au basuco pendant 6 ans, mais la coke non?
Le basuco c’est la base de la coke, ce n’est pas le crack car le crak c’est complètement différent, vous avez de l’acide chlorhydrique, plein de produits chimiques qui tuent. Le basuco j’en ai pris pas mal de temps et c’est très difficile de s’en sortir car plus on fume, plus on veut fumer. Mais celui qui a la volonté, il sort de n’importe qu’elle impasse.

9) Je voulais vous poser la question, vous racontez que le déclic pour arrêter a été lorsqu’un dimanche en allant manger défoncé avec votre famille, votre fils s’est écrié dans la voiture : “mais papa quand est-ce donc que tu vas t’arrêter?”, c’est juste avec la volonté?, ça n’a pas dû être si facile que ça d’arrêter?
De la honte que m’avait fait mon fils oui, ça n’a pas été facile mais si quelqu’un qui a du caractère il y arrive, moi j’y suis arrivé donc les autres doivent y arriver aussi. Mais vraiment ça m’a fait mal, mon fils avait toutes les raisons du monde, ça m’a un peu ouvert les yeux sur le fait que j’étais dans une mauvaise impasse, j’en avais un peu à la maison et du coup j’ai tout jeté dans les toilettes et ça a été fini.


10) Combien de temps on en chie physiquement?
Bon pas tellement, les 3 premiers mois. C’est un peu comme fumer, bien sûr vous êtes un peu plus accroc au basuco qu’au tabac mais quand vous voulez y arriver vous y arrivez. J’ai arrêté définitivement, en plus j’en prenais beaucoup puisque ça ne me coûtait rien, pour les autres ça coute énormément d’argent, il faut être très riche pour pouvoir assumer ce vice. Mais c’est comme si vous mangez beaucoup de chocolat tous les jours, à la fin vous en avez marre. J’ai voulu arrêter parce que j’ai eu honte avec mon fils mais j’ai eu la volonté d’arrêter et parfois je me mettais à table avec des gens qui fumaient justement pour voir si j’allais flancher et non j’ai résisté et après l’odeur m’est devenue insupportable et ça a été fini pour toujours. La coke vous arrêtez quand vous voulez. Moi, j’en prenais quand j’étais là-bas mais ici j’en ai jamais pris sincèrement parce que je n’en ai pas besoin. J’en prenais là-bas parce que j’étais dans la jungle, il n’y avait pas de télévision, pas de téléphone, on buvait de temps en temps et pour éviter d’être complètement soûls, j’en prenais souvent pour faire la fête mais après je suis revenu en Europe, je n’en prends pas, je n’en ai pas besoin… en plus elle est de très mauvaise qualité!

C’est vrai que là-bas on peut voir des gens boire, discuter, s’amuser et à un moment, ils prennent un petit truc pour continuer, ce n’est pas une fin en soi.
Exactement c’est la culture, là-bas c’est la culture je me rappelle des fêtes, bon des fêtes de riches bien sûr, n’importe quelle fête vous avez sur la table de la coke, de la marijuana et de la base, c’est la vraie fête. C’est une culture, ça commence même par les indiens, les indiens le mastiquent même si bien sûr ce n’est pas pareil. Peut être qu’ils sont moins hypocrites que les européens, ils ne se cachent pas. Je suis sûr qu’en Europe, il y a énormément de gens qui en prennent, et en plus ils prennent de la mauvaise qualité. Je vais vous dire, je ne connaissais pas la coke mais j’avais un avocat en Italie. Un jour il m’a demandé si je pouvais en trouver, j’ai répondu : “je sais pas où je peux prendre ça, pourquoi t’en prends?”, et il me répond : “Oui, à chaque plaidorie j’en prends un trait et je suis le meilleur avocat”. Il paraît que ça les aide à plaider et moi je le crois car quand vous en prenez, vous êtes plus affables, la langue est plus facile à machiner, moi je suis pas contre c’est mon opinion bien sûr, ca n’engage personne.

11) En Colombie, votre femme préparait des caldos de poisson (du bouillon fait avec la tête du poisson), est-ce qu’elle a appris cette recette à des gens en Corse vu que vous avez aussi du bon poisson là-bas?
Oui, on mange du poisson frais parce qu’on a même un petit bateau pour aller pêcher mais c’était pas le même poisson, les poissons qu’on pêchait là bas c’étaient des poissons qui faisaient un mètre un mètre dix, les têtes elles étaient trois fois plus grosses que la mienne, rien qu’avec la tête on faisait la soupe de poisson et après on allait dormir parce que ça vous donne sommeil. Mais à la fin on en avait marre, on a vraiment profité des poissons dans la jungle mais à la fin on en avait assez, on voulait du gibier.

12) Vous voyez des points communs entre la Corse et la Colombie?
La Colombie a sa beauté, la Corse a la sienne mais ce n’est pas le même mode de vie. En Colombie vous êtes cools, rien ne vous met le stress, les impôts vous les payez si vous en avez envie, c’est cool, c’est pas comme en France où il faut remplir des papiers pour tout. Là bas non, c’est beaucoup plus cool, bien sûr j’adore ma Corse mais j’aime beaucoup ma Colombie aussi.

13) Des différents pays sud-américains où vous avez vécu (Colombie, Mexique, Bolivie, Brésil) lequel vous a le plus plu?
J’aime beaucoup le Brésil, c’est un très beau pays, les brésiliens sont supers même avec la pauvreté dans laquelle ils vivent, ils sont toujours à chanter et à danser, c’est un pays très joyeux. Le Mexique, c’est un pays très beau aussi mais je préfère le Brésil. Ils ont toujours le sourire en Amérique du sud, en Colombie, au Brésil, en Bolivie, ils sont toujours contents et en plus ce sont des des pays dans lesquels ils souffrent, j’ai remarqué en faisant la différence que le français a toujours des problèmes, il est toujours triste pourtant il vit beaucoup mieux que les gens de là- bas, c’est un truc que j’ai jamais compris.

14) Vous êtes retourné récemment en Colombie, notamment pour voir la famille de votre femme ?
Non, je n’y suis pas retourné, ma femme y est retournée l’année dernière, j’espère y retourner très bientôt, voir ma famille, les parents de ma femme, mes amis, oui j’ai un peu la nostalgie de la Colombie.

15) Vous écrivez à la fin de votre livre que la Corse que vous redécouvrez à votre retour a beaucoup changé. Pensez-vous, sans entrer dans les détails, que la redistribution des cartes à laquelle on assiste avec les nombreux assassinats au sein du milieu ces dernières années, serait principalement due à la spéculation immobilière ?
Je pense que oui parce qu’à mon époque en Corse il n’y avait pas encore de possibilités d’argent, il n’y avait presque pas de problèmes, quelques règlements de compte pour des questions d’honneur, des trucs comme ça. La Corse était beaucoup plus tranquille, les gens étaient différents, la mentalité aussi commence à changer. De notre temps, les Corses étaient vraiment soudés, je vais vous donner une anecdote : par exemple quand les gendarmes venaient au village, tout le monde fermait les portes, on n’aimait pas les gendarmes parce ils faisaient des problèmes pour les poules dans la rue. Quand j’étais à l’etranger j’etais fou de retrouver mon village, j’y pensais énormément, quand je suis arrivé j’ai été un peu déçu, pas déçu complètement bien sûr que ma Corse est toujours là et que j’adore mes corses et tout ça mais la mentalité a beaucoup changé quand même. J’aimerais que les corses soient unis, qu’il n’y ait pas autant de problèmes.


16) Vous qui avez beaucoup voyagé, y a-t-il des pays que vous aimeriez découvrir aujourd’hui ? Oh ben du coté de l’Afrique et même j’aimerais aller en Chine, au Japon, j’aimerais bien visiter ça, par pure curiosité.

17) Que vous inspire le Pigalle d’aujourd’hui qui a lui aussi beaucoup changé ? (Laurent Fiocconi a grandi à Pigalle)
Non, je n’y suis jamais retourné, lorsque je suis revenu en France, j’ai été à Toulon un an et après je suis parti dans ma Corse, je sors très peu, je m’occupe de mes chevaux, de mes chiens.

18) Vous avez des chevaux en Corse, comme en Colombie? (il avait des chevaux de compétition en Colombie nda)  Oui, on a même des chevaux corses, des chevaux sauvages qui sont vraiment de l’île.

19) Un restaurant à recommander sur Paris ? en Corse ?
Ben je vais vous dire quelque chose, hier soir on a mangé dans un bon restaurant sur une péniche, le Rivers Café. Depuis que je suis à Paris c’est celui m’a le plus plu. En Corse il y en plusieurs.

Un ou deux?
Attendez, le nom je ne me rappelle plus, c’est un peu plus bas que mon village, c’est une ferme, chez Joël, comment ca s’appelle (il demande à sa femme) ? ah oui Pietra Monetta. C’est un restaurant très bon mais en Corse il y en a énormément des bons restaurants, faudrait que je vous donne une liste. Mais à Pietra Monetta, on mange très très bien, des produits Corses. C’est après Pietra, entre Pietra et l’Ile Rousse, pour ceux qui connaissent la Corse.

Joël Vesperini
Lieu-dit Ostriconi
20226 Palasca
Tél : 04 95 60 81 48
Ancien relai de poste restauré. Exploitation située en Balagne, sur la RN 1197, à 50 kms de Bastia et 300 m avant la RD 81 des Agriates (17 kms d’Ile-Rousse, 7 kms de Lozari)

Vous avez enchaîné les interviews cette semaine, quelle est la question qu’on vous a le plus posée?
On me demande toujours si je regrette.

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