Bernard Hasquenoph (Louvre Pour Tous)


14.04.14 - Guillaume - 716lavie

Bernard Hasquenoph anime Le Louvre Pour Tous, site d’informations sur les musées. Le site est riche en informations de tous genres car la réflexion se veut d’abord citoyenne. La question du musée est ici abordée sous tous les angles, y compris les plus critiques. Le Louvre pour Tous joue souvent le rôle de poil à gratter de l’institution muséale. On est libres de partager ou non certains des avis émis ici, mais il faut reconnaître à sa juste valeur le travail salutaire d’information car il est motivé par une véritable passion pour les musées. En cela il nous aide à nous approprier ces “monuments de culture” qui souvent nous impressionnent autant qu’ils nous attirent.

 

1) Bonjour, pouvez-vous me dire quand est né Louvre pour tous ? et à quelle occasion ?

J’ai créé le site www.louvrepourtous.fr fin 2004, initialement pour protester contre la tentative du Louvre de supprimer certaines gratuités, notamment celles dont bénéficient traditionnellement les artistes, ce qui m’avait semblé particulièrement absurde de la part d’un musée qui avait été créé à la Révolution pour eux. Face à la mobilisation de nombreuses organisations, le Louvre est vite revenu sur sa décision mais cela a permis d’attirer l’attention sur les questions tarifaires, de rouvrir le débat sur la gratuité (les musées nationaux français ont été intégralement gratuits jusqu’en 1922), et plus largement de s’interroger sur l’accès aux musées.

 

2) Quel est votre parcours ? Vous êtes plusieurs à animer ce site ?

J’ai exercé plusieurs métiers, dans la librairie, le commerce, le graphisme, la presse… J’ai toujours été plus ou moins militant et engagé, par période et selon les circonstances : syndicaliste quand j’étais salarié, un peu dans le mouvement gay et lesbien, et depuis environ dix ans dans le domaine culturel mais tout est lié. J’ai commencé à publier des articles sur mon site parce que je ne trouvais pas les réponses à mes questions dans les médias bien trop complaisants, à mes yeux, vis-à-vis des institutions. J’anime seul mon site mais il m’arrive parfois d’avoir des contributions. Et, aujourd’hui, l’aventure se prolonge sur Facebook et Twitter, formidables outils d’échange et de discussions.

 

3) Votre travail repose sur une vision de la culture qu’on comprend bien en vous lisant mais peut-être pouvez-vous l’expliquer avec vos propres mots ici ?

Mon axe central, c’est la question de la démocratisation culturelle appliquée aux musées, je crois en la nécessité d’un accès pour tous à la culture, ou plutôt aux cultures, pas pour empiler des connaissances mais comme outil d’émancipation, de découverte de l’autre, de compréhension du présent… On peut l’aborder en tant que grand concept ou en interrogeant l’aspect pratique des choses. J’aime bien ce côté très pragmatique, enquêter sur les tarifs, les horaires, les moyens de transport, les conditions de visite… A travers ces questions très basiques, on interroge finalement l’essentiel. Et c’est là qu’on réalise qu’en quelques années, dans nombre de musées publics, l’usager-visiteur est devenu un client.

 

4) Avez-vous des musées préférés à Paris ?

A Paris, je ne me lasse pas d’arpenter le Louvre. Si, une journée, je ne sais pas quoi faire, j’y vais. J’aime m’y perdre, déambuler, m’asseoir, prendre des photos, regarder les gens, découvrir un artiste, un tableau au détour d’une salle. Mais c’est possible uniquement parce que je bénéficie de la gratuité, aujourd’hui en tant que journaliste. J’aime aussi beaucoup le musée Carnavalet pour ses collections qui racontent une multitude d’histoires, Les Arts décoratifs pour le design et la mode, le Palais de Tokyo pour son ambiance et pour les découvertes d’artistes qu’on peut y faire (pas toujours bonnes quand ce sont des publi-expositions de marques de luxe)… Et, dans les « petits » musées, je craque pour le musée de la Chasse et de la Nature, pas du tout par goût pour la chasse mais pour sa muséographie d’une rare intelligence, son ambiance cosy avec ses canapés en plein musée, son mélange subtil d’art ancien et contemporain, son approche pédagogique et même son humour, ce qui est hyper rare.

 

5) Y a-t-il des qualités et des défauts qui reviennent régulièrement dans les musées parisiens ?

Les qualités, ce sont évidemment la variété et la qualité des collections des musées parisiens, qu’ils soient nationaux ou municipaux, le soin toujours plus grand apporté à leur présentation, la volonté de les faire vivre, pas seulement par des expositions mais par la multitude des animations proposées, et au-delà par leur présence sur Internet et les réseaux sociaux. Le problème des grands établissements, hormis les tarifs qui ne cessent d’augmenter, c’est hélas la dégradation de leurs conditions de visite. Les files d’attente s’allongent au-delà du supportable et, souvent à l’intérieur, c’est la pagaille. Ce n’est pas un signe de vitalité comme la presse veut le croire mais plutôt une incapacité structurelle à bien accueillir les visiteurs, beaucoup par manque de personnel. Les employés des musées sont les premiers à souffrir de cette situation. Vouloir attirer toujours plus de monde, c’est bien quand la logistique suit et qu’on crée les aménagements adéquats. J’ai du mal à croire que ce soit par volonté de démocratiser, c’est plutôt pour augmenter les recettes. Et venant de loin, les touristes sont des proies faciles. En tant que Français, j’ai souvent honte de la façon dont on les traite, un peu comme du bétail. C’est dramatique. Plus les musées embellissent, plus ils deviennent impraticables. Il y a un vrai problème.

 

6) Vous êtes un passionné de musées, y allez-vous souvent ?

Très régulièrement, presque une fois par semaine, mais je me répète, c’est parce que je le peux, grâce à la gratuité dont je bénéficie. Faute de gratuité pour tous, je ne comprends pas que n’existe toujours pas en Ile-de-France un Pass qui permettrait d’accéder à tous les musées et monuments à un tarif avantageux. Cela existe pour les touristes avec le Paris Muséum Pass limité à quelques jours mais pas pour les résidents à l’année. Chaque musée propose sa carte d’abonnement mais quand on aime les musées, on a envie d’aller partout et ça devient vite très cher. Certaines régions ont mis en place de telles cartes, c’est une bonne alternative, cela permet de découvrir des lieux vers lesquels on n’irait pas spontanément.

 

7) Aimeriez-vous être consulté dans le cadre de l’amélioration de certains musées ?

Oui bien sûr, j’essaie de ne pas seulement critiquer mais d’imaginer des solutions. C’est ce que j’ai fait pour le Château de Versailles qui est le pire musée-monument à visiter en Ile-de-France à certaines périodes de l’année, un vrai cauchemar comme on peut le lire sur Tripadvisor. J’ai fait des propositions, on ne m’en a jamais remercié mais certaines ont été mises en application, au moins de manière expérimentale. J’ai aussi fait partie d’un groupe de travail durant un an au ministère de la Culture sur la question de la pratique photographique des visiteurs au musée suite à l’interdiction du musée d’Orsay contre laquelle je combats. C’était la première fois, à ce niveau, que des usagers de musées et des professionnels se retrouvaient autour d’une table pour réfléchir ensemble aux conditions de visite. Ce genre d’expériences devraient se multiplier. Les grands musées commandent des études de publics mais finalement dialoguent rarement directement avec les visiteurs.

 

8) Voulez-vous ajouter quelque chose ? Y a-t-il une question importante que je ne vous ai pas posée ?

Non, au plaisir de visiter Paris dans votre 2CV, c’est un super concept.

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